Dans un communiqué du 13 avril 2017, Patrick Coulombel déclare
que le Camp de Grande Synthe n’a pas sa place en France !

 

Explications de Patrick Coulombel, co-fondateur des Architectes de l’urgence, suite à cette déclaration…

 

Pourquoi ce camp n’a pas de raison d’être en France?

P. Coulombel : La France est un grand pays, un pays qui est tout à fait capable d’absorber quelques centaines de personnes qui occupent ces camps et il existe bien d’autres solutions que de stigmatiser ces personnes en les laissant dans des camps d’abris digne des pays du tiers monde.

N’oublions pas par ailleurs que la notion de camp reste un épisode historique douloureux pour la France.

Y a-t-il aussi des raisons techniques ?

P. Coulombel : La question d’abriter ces personnes dignement est une nécessité que la France doit être capable de gérer.

Pour cela, les abris doivent avoir une stabilité au feu, et une isolation thermique permettant aux populations de supporter les conditions climatiques.

Il suffit d’appliquer les règles de l’art de la construction.

Quelles est votre position sur ce qui a été réalisé ?

P. Coulombel : Tout d’abord, construire c’est un métier ! Quand on s’improvise constructeur, on prend des responsabilités et on ne doit pas faire supporter de risques aux personnes qui vont occuper ces constructions.

Pour cela, il est nécessaire de faire appel à des professionnels de l’acte de construire.

Si Architectes de l’urgence se mettait à effectuer des opérations chirurgicales alors que ce n’est pas leur métier de base, je suis persuadé que les professions médicales s’insurgeraient.

Actuellement, des organisations dans le domaine médical interviennent sur ces problématiques de la construction alors que ce n’est évidemment pas leur métier, et personne ne trouve rien à redire…

Construire ou soigner les gens, sont deux pratiques et métiers différents qui s’apprennent et qui ne s’improvisent pas !

Je pense que ces questions doivent être traitées par des professionnels de la construction qui sont assurés et qui respectent les règlementations. Or ces organisations, même si elles sont très certainement animées par la meilleure volonté, font preuve d’amateurisme.

Et juridiquement ?

P. Coulombel : Juridiquement, les responsabilités que prennent ces organisations sont lourdes.

L’acte de construire doit être assuré et les constructions sont soumises à des règles et des normes qu’il convient de suivre.

L’inflammabilité des constructions est une chose qui se gère car il existe des réglementations en la matière à respecter, et cela n’a pas été le cas pour la mise en place de ce camp.

On peut aussi se poser la question des assurances car tout constructeur a des obligations en termes d’assurances qui n’ont probablement pas été prises dans le cas de ces constructions.

Quelles solutions proposez-vous?

P. Coulombel : Tout d’abord et encore une fois, faire appel à des gens dont c’est le métier, des professionnels de la construction.

A titre d’exemple, dans la région « Nord Pas de Calais Picardie » il existe 1300 architectes et ingénieurs qui sont évidemment capables d’intervenir sur ces problématiques et des milliers d’entreprise du bâtiment compétentes.

Par ailleurs, il existe des dizaines de milliers de m² de bâtiments existants, industriels ou autres, dans cette région lourdement sinistrée économiquement, qui peuvent être transformés et adaptés pour accueillir ou abriter temporairement mais dignement ces populations.

Or, on a bien souvent l’impression que la réponse à cette problématique techniquement gérable, relève plus du geste politique que d’une réponse technique réfléchie et mesurée afin de proposer une solution d’abri transitoire adapté.

Avez-vous déjà expérimenté d’autres solutions ?

P. Coulombel : Architectes de l’urgence a déjà expérimenté ce type d’opération notamment en sécurisant et en adaptant un bâtiment industriel à Montreuil, en région parisienne, qui était squatté par 180 personnes, pour un montant de 200 000 euros.

Lien de notre site du projet : https://www.archi-urgent.com/trophees-de-construction-2017/

A Paris dans le 18ème arrondissement, le choix de la Ville de Paris a été de proposer l’aménagement ou la transformation de bâtiments même si cela est à vocation temporaire, plutôt que de faire un camp de tentes.

Cela permet d’accueillir des personnes de façon décente, c’est-à-dire dans des conditions sanitaires, de chauffage et de sécurité incendie satisfaisantes.

Qu’en est-il de l’aspect financier ?

P. Coulombel : Si l’on considère l’argent qui a été investi dans l’installation du camp de Grande Synthe, je pense que cela n’aurait pas couté plus cher de transformer et de sécuriser des bâtiments existants pour une pérennité vraiment différente.

Donc évidemment cela a un cout, mais de toute façon l’Etat français a déjà pris en charge une partie de ce que cela coute et a déjà opté pour des solutions proches de celles que nous proposons par l’exemple du démantèlement de la jungle de Calais.

Les populations de la jungle de Calais sont actuellement pour une grande partie, dans des centres                 qui offrent des conditions de vie décentes, et en tous les cas bien plus acceptables que celles des camps.

Les solutions des pays du tiers monde ne doivent pas être reproduites en France.

En résumé, que proposez-vous globalement pour régler cette problématique ?

P. Coulombel : En résumé, ce que la fondation Architectes de l’urgence suggère c’est :

Tout d’abord, de ne pas laisser installer des camps de fortune pour parquer ces populations,

Réfléchir et travailler avec des professionnels de la construction qui sont assurés et soumis au respect d’une règlementation, pour proposer des solutions d’accueil satisfaisantes, et notamment par la restructuration de bâtiments existants (friches industrielles ou bâtiments industriels).

N’oublions pas que la notion de temporalité est importante et qu’il convient juste de proposer des solutions transitoires mais respectant les normes en vigueur pour les questions sanitaires et de sécurité pour ces populations qui n’ont pas vocation à s’installer durablement.