Quelles solutions pour les inondations dans le Pas-de-Calais

Les récentes inondations récurrentes dans la région du Pas-de-Calais ont plongé des populations entières dans un état de choc, confrontées à des difficultés croissantes. Pour apporter un éclairage approfondi sur l’impact de cette catastrophe, nous nous tournons vers Patrick Coulombel, co-fondateur d’ »Architectes de l’urgence ». Son expertise offre des perspectives sur la situation actuelle et les efforts déployés pour atténuer les conséquences de ces inondations.


1 Quelles sont les raisons qui expliquent la récurrence des inondations dans le nord de la France ?

Les inondations sont consécutives à de fortes précipitations et un système d’évacuation des eaux pluviales défaillant. Dans le cas du Nord Pas-de-Calais, il apparaît évident que l’absence de gestion globale du bassin versant des fleuves et des rivières concernés est la raison principale des inondations.


2 Avez-vous rencontré des situations similaires ailleurs, et quelles leçons peuvent être tirées de ces expériences pour la situation actuelle ?

L’histoire se répète alors que le Pas-de-Calais affronte des inondations rappelant celles de la Somme en 2001. Le constat était alors similaire : une nappe phréatique débordante et une gestion du bassin versant presque inexistante. Un phénomène bien connu où la saturation du sol entraîne un ruissellement massif, submergeant rapidement les zones les plus basses en cas de fortes précipitations. Toutefois, depuis 2001, des évolutions majeures ont eu lieu dans le département voisin, la Somme, grâce à d’importants travaux sur les ouvrages d’évacuation d’eau et la création d’écluses. Ces efforts ont transformé les inondations potentielles en un lointain souvenir malgré les récentes intempéries de novembre 2023.


3 Quelles mesures d’urgence proposez-vous pour atténuer les effets des inondations et protéger les populations touchées ?

En termes de mesures d’urgence, afin de limiter au maximum les inondations, il n’existe que deux moyens efficaces : 

Barrières anti crues : Dans la mesure où cela est possible, la pose de barrières anti crue, protégeant les zones habitées le long des berges, des rivières et des différents cours d’eau est une solution efficace. Cette solution ne s’improvise pas et comporte des problématiques logistiques de stockage et de mise en place à coordonner avec les systèmes d’alerte de crue.

Pompage : L’utilisation d’un système de pompage de grande capacité se révèle être une deuxième stratégie efficace, permettant non seulement d’empêcher les débordements, mais également d’évacuer les cours d’eau en crue. Toutefois, il est important de noter que, sur le territoire national français, les moyens de pompage sont relativement limités. Cette situation contraste avec celle de nos voisins hollandais, dont la culture et l’expérience dans la gestion de ce type de problématique surpassent largement les nôtres.

Jumeler le système de pompage adapté à des barrières anti crues, permet de limiter de manière conséquente les zones inondées.


4 Quel est le rôle et la responsabilité des pouvoirs publics, ainsi que des élus, dans la gestion d’une crise d’inondation comme celle-ci ?

La responsabilité des élus et des pouvoirs publics se limite à l’absence de mise en place d’une vraie gestion du bassin versant, la préparation aux inondations et la gestion de la ressource en eau est un problème actuel qui ne semble pas avoir été pris en compte à sa juste mesure.

D’autre part, depuis les récentes inondations de novembre dernier, il n’a pas été mis en place un système de pompage préventif permettant de faire diminuer au maximum les niveaux d’eau afin de limiter les inondations comme celles que l’on a depuis le 1er janvier 2024. Idem sur les barrières anti crue, pas d’anticipation préventive depuis novembre 2023.


5 Quels sont, selon vous, les dysfonctionnements les plus importants dans la gestion de cette crise, que ce soit au niveau des infrastructures, de la planification urbaine ou de la coordination gouvernementale ?

La responsabilité des Maires des communes est importante dans la mesure où ce sont eux qui établissent les plans locaux d’urbanisme et délivrent les permis de construire. De fait, on peut être très interrogatif sur la compétence spécifique des élus sans formation initiale et qui se mettent à urbaniser et notamment dans les fonds de Vallées.


6 Quelles actions immédiates recommandez-vous pour mettre fin à la répétition de ces inondations, et comment peut-on assurer une solution à long terme ?

À partir du moment où il y aura une vraie politique de gestion du bassin versant avec des entretiens continus sur le long terme, une grande partie des inondations pourra être évitée. Le rehaussement des berges fait partie des travaux lourds à entreprendre et qui fonctionnent très bien, voir l’exemple de la Somme.

Il convient d’évacuer l’eau par des systèmes adaptés de pompage préventif basés sur des systèmes d’alerte bien en amont des inondations. Ce système contrôlé de pompage de grosses capacités adaptées au volume à traiter, doit être mis en place de façon fixe et en gestion sur le très long terme. Il faudra aussi augmenter les surfaces tampon, réservoirs permettant d’évacuer des autres crues sur des secteurs qui pourront les stocker temporairement.

Stopper l’artificialisation des sols est également un point qui permettra de réduire les inondations, mais ceci ne sera valable que si la nappe n’affleure pas.


7 Quel est votre point de vue sur la nécessité éventuelle de démolir des constructions en zone inondable pour reconstruire dans des zones moins exposées ?

Il est tout à fait possible de vivre dans des zones inondables lorsque les inondations ne sont pas torrentielles. Pour cela, il suffit d’adapter les constructions à « l’inondabilité ».

Pour les structures déjà en place, il est impératif de les adapter en intégrant des matériaux résistants à l’eau, et il est préconisé de privilégier l’occupation des niveaux supérieurs. En conséquence, cela pourrait nécessiter des travaux de rehaussement pour assurer un cadre de vie serein lors des périodes d’inondation.

Pour les constructions neuves, il suffit de construire sur des niveaux largement plus haut que les niveaux de crue, permettant d’avoir des niveaux rez-de-chaussée, inondables et réutilisable après une crue. Peut-être que c’est la question que les pouvoirs publics devraient se poser, et notamment de faire des constructions flottantes, solution déjà existante dans d’autres pays, et pour l’instant interdite en France.

La solution qui consisterait à évacuer toutes les populations qui vivent en zone inondable, est une vue de l’esprit complètement déconnectée, à la fois des populations et des habitudes de vie des gens. Cette proposition de déplacement de populations Stalinienne et fasciste n’honore pas les auteurs de ces propos.

Poursuivre cette logique pourrait conduire à la conclusion que tous les quartiers de Paris précédemment inondés, tels que ceux touchés par la crue de la Seine en 1910, devraient également être démolis et déplacés. Cela entraînerait alors un déplacement massif des populations vers des secteurs du département du 93 ou du 95, considérés comme plus propices en raison de l’absence d’inondations. Cette proposition semble être irréaliste et déraisonnable.

Le coût astronomique lié au déplacement des populations et à la reconstruction dans des zones potentiellement à urbaniser ne semble pas être proportionné au problème, d’autant plus qu’il ne justifie pas le niveau de risque en question. Cette approche apparaît comme une absurdité, non seulement en termes de bilan financier, mais également en ce qui concerne l’empreinte carbone, étant donné qu’il existe des alternatives plus sensées. Il serait déraisonnable de considérer le déplacement des populations comme une solution, surtout lorsque d’autres options plus viables sont envisageables.


8 Pourriez-vous résumer les problèmes que vous avez identifiés dans la gestion des récentes inondations dans le Nord-Pas-de-Calais, et quelles solutions durables proposez-vous pour permettre une habitation sécurisée dans ces secteurs touchés ?

Nous observons une carence persistante dans la gestion holistique du bassin versant, ainsi qu’une absence d’aménagements capables de contenir les cours d’eau sujets aux débordements. Il est impératif de prévoir et de coordonner la mise en place d’un système de pompage adapté aux précipitations actuelles en tant que mesure préventive essentielle contre toute menace d’inondation.

En ce qui concerne les constructions, il est évident qu’un soutien accru aux populations est nécessaire pour leur permettre de résider de manière plus sûre dans ces zones inondables et de faire face à des crues allant de quelques jours à quelques semaines, dans des proportions gérables pour l’habitation. Cela implique des ajustements tels que l’aménagement d’étages habitables et la disposition des niveaux inondables au rez-de-chaussée des habitations.

Il est également crucial d’instaurer un système de gestion de barrières anti-crue le long des cours d’eau sujets à la canalisation. Cette initiative doit être planifiée et gérée à long terme afin de prévenir les épisodes de crue, évitant ainsi les inondations dans des secteurs fortement urbanisés.

Patrick Coulombel

Co-fondateur Architectes de l’urgence

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